Liquid Liquid : les pulsations hypnotiques du New York underground

À l’aube des années 1980, alors que la scène musicale new-yorkaise bouillonne de créativité et d’expérimentations, émerge un groupe aussi discret que radical : Liquid Liquid. Issu du courant no wave, ce quatuor atypique devient rapidement une figure culte pour les amateurs de sons bruts, répétitifs et dansants.

Liquid Liquid

Une alchimie rythmique

Formé en 1980, le groupe se compose de :

    • Richard McGuire : Basse
    • Salvatore Principato : Chant, percussions
    • Dennis Young : Marimba, percussions
    • Scott Hartley : Batterie

Successive Reflexes, la découverte fondatrice

Paru en 1981, l’EP Successive Reflexes marque une étape essentielle dans leur courte discographie. Plus brut encore que leurs autres productions, il se distingue par ses structures répétitives, ses textures percussives et son urgence sonore. C’est avec cet opus que j’ai découvert le groupe à sa sortie, frappé par l’intensité rythmique et la radicalité de leur approche musicale. Cet EP reste, à mes yeux, l’une de leurs expressions les plus pures et les plus immédiates.

Liquid Liquid

Leur musique, entièrement axée sur le rythme et l’énergie, abandonne la guitare au profit de lignes de basse syncopées, de percussions tribales et de voix incantatoires. Sans refrains classiques ni mélodies accrocheuses, le groupe déconstruit la musique pop au profit d’un groove hypnotique. Leurs compositions se nourrissent de funk, de dub jamaïcain, d’afrobeat et de post-punk, dans un minimalisme sonore qui les place à part dans le paysage musical de l’époque.

Le coup d’éclat “Cavern”

En 1983, le groupe publie Optimo, un EP sur le label indépendant 99 Records. Il contient le morceau « Cavern », qui deviendra leur titre emblématique. Ce morceau, porté par une ligne de basse circulaire et une batterie sèche, capte l’attention de la scène hip-hop. Si bien que Sugar Hill Records s’en inspire — sans permission — pour le tube « White Lines (Don’t Do It) » de Grandmaster Flash et Melle Mel. L’affaire judiciaire qui en découle fera date, contribuant à la chute de 99 Records malgré le succès critique du groupe.

Liquid Liquid : Une influence durable

Malgré une carrière courte (le groupe se sépare en 1985), le combo laisse une empreinte durable. Ils réapparaissent au début des années 2000, portés par l’intérêt renouvelé pour la dance-punk, incarnée par des formations comme LCD Soundsystem ou The Rapture. En 2008, le label Domino publie Slip In and Out of Phenomenon, une compilation qui réunit leurs trois EPs, des morceaux rares et des enregistrements live.

Liquid Liquid

Aujourd’hui encore, la formation incarne l’avant-garde d’une époque où New York était le laboratoire sonore du monde. Leur musique, brute, organique et intemporelle, continue d’inspirer DJs, producteurs et musiciens en quête de transe rythmique.

Discographie de Liquid Liquid

EPs

    • 1981 – éponyme
    • 1981 – Successive Reflexes
    • 1983 – Optimo

Compilations

    • 1997 – éponyme
    • 2008 – Slip In and Out of Phenomenon

Drama King sort Mud & Concrete, un album entre ombre et lumière

Mud & Concrete, le premier album de Drama King, donne une voix aux heures sombres de notre époque. Ce projet solo du Rennais Kevin Gourdin, ancien chanteur de The Decline !, passé par la folk noire de Slim Wild Boar et la basse de Brigada Florès Magon, prend la forme d’un crooner social, oscillant entre ombre et lumière.

À travers des ballades sombres aux claviers brumeux et à la guitare ciselée, il livre une œuvre personnelle, enregistrée en huis clos avec Antoine Le Masson, et masterisée à Montréal par Harris Newman. Réalité sociale, mélancolie, colère sourde : Mud & Concrete explore les fissures de notre époque avec une élégance grave, loin des paillettes mais au plus près du terrain. Porté sur scène par un groupe solide, et soutenu par trois labels bretons (Kizmiaz, Brainstorming, Abracadaboom), cet album place Drama King dans la lignée des voix noires à la Nick Cave, quelque part entre Rennes et les marges.

Drama King

Drama King : Un crooner social entre Nick Cave et Lana Del Rey

Entre Nick Cave, Madrugada, Lana Del Rey et Elvis Presley, Drama King assume une posture de crooner social, à la fois fragile et engagé. Sa voix grave explore des thèmes profonds et actuels : précarité, santé mentale, solitude, alcoolisme ou montée de l’extrême droite. Mais il y a aussi, dans ce disque, une place pour l’intime : la paternité, la mélancolie des lieux désertés, les silences habités.

Une production brute et immersive

Mud & Concrete a été enregistré en huis clos au Studio Sovaj par Antoine « Noss » Le Masson, complice de longue date. En seulement quatre jours, les couches de guitares, synthés et voix se sont superposées dans une recherche d’intemporalité, mêlant instruments vintage et production moderne. Le mixage a également été assuré par Le Masson, tandis que le mastering a été confié à Harris Newman à Montréal.

Drama King

Trois labels du Grand Ouest se partagent la sortie de ce disque : Kizmiaz Records (Nantes), Brainstorming Records (Rennes) et Abracadaboom Records (Langonnet). L’identité visuelle bleue nuit et noire a été confiée à David Brabançon, fidèle à l’univers du projet.

Des singles percutants avant l’album

Deux titres ont précédé l’album :

    • « Brown & Grey », sorti le 29 novembre 2024, donne le ton : une ballade électrique aux accents désabusés.

    • « Silent Homes », dévoilé le 31 janvier 2025, évoque ces maisons vides des quartiers mixtes, où la cohabitation entre classes sociales se fait par l’absence et le silence.

Une tournée authentique et rugueuse

Pour défendre Mud & Concrete, Drama King part sur les routes avec une formation rock complète. Aux côtés de Kevin Gourdin, on retrouve des musiciens issus de la scène alternative : The Decline, Food Fight, Feu !, Panique… Ensemble, ils donnent une dimension scénique énergique et organique aux morceaux du disque.

Mud & Concrete Tour – Printemps 2025

    • 25 avril : Cold Crash, Nantes

    • 26 avril : Dimanche Bistro, Rennes

    • 24 mai : La Bergerie Rock, Sizun

    • 25 mai : Le Chaland qui passe, Binic

    • 6 juin : TBA

    • 7 juin : Le Grand 8, Rennes

    • 8 juin : Le Café de la Poste, Saint-Brieuc (Art Rock off)

Drama King : Une trajectoire sincère, un projet sans fard

Drama King n’est pas une façade, mais le prolongement naturel de l’itinéraire de Kevin Gourdin. Après une pause salutaire, loin des tournées éreintantes qui l’ont mené de la Pologne au Hellfest, il revient à l’essentiel : la musique comme outil de narration, d’expression, de résistance. Avec Drama King, il explore les marges, chante l’ordinaire et éclaire les recoins sombres sans les juger.

Mud & Concrete est une invitation à l’introspection autant qu’un cri du cœur. Un album fort, brut, sincère — sans couronne ni paillettes, mais avec une vérité qui claque comme une guitare dans le vide d’un stade municipal désert.

Sans conteste l’un des albums les plus marquants que j’ai écoutés cette année, Mud & Concrete est une découverte aussi saisissante que précieuse.

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