Christine Ott et Mathieu Gabry : Aran, trilogie finale

Christine Ott et Mathieu Gabry forment un duo à la fois complice et complémentaire, uni par une même passion pour le dialogue entre image et musique. Originaire de Strasbourg, Christine Ott (née le 10 août 1963) est une pianiste, compositrice et ondiste – virtuose des ondes Martenot – qui navigue avec aisance entre musique classique contemporaine, expérimentation sonore et musiques de film.  Elle compte parmi ses références des collaborations avec Yann Tiersen sur une période de huit années, ou encore avec Tindersticks, et plusieurs projets de ciné-concerts (notamment Tabu et Nanook of the North) . À ses côtés, Mathieu Gabry, claviériste et compositeur, apporte une approche texturale et cinématique — un univers sonore qui lui a permis de signer également la musique du film Manta Ray (2018) en duo Snowdrops avec Ott. Ensemble, ils façonnent un univers poétique et immersif où la rigueur de l’écriture se mêle à la liberté de l’improvisation — une alchimie qui trouve dans ARAN son expression la plus aboutie.

Christine Ott

Une trilogie cinématographique en musique

Avec ARAN, Christine Ott conclut un triptyque inspiré de l’œuvre du pionnier du cinéma documentaire Robert Flaherty, après Nanook of the North et Tabu, co-réalisé avec F.W. Murnau. Ce nouvel opus, publié chez Gizeh Records le 7 novembre 2025, s’inscrit dans la lignée des ciné-concerts qui ont forgé la réputation de la compositrice alsacienne : un dialogue intime entre image, nature et musique.

Tourné sur une île irlandaise balayée par les tempêtes, le film décrit la vie d’une famille de pêcheurs au siècle dernier — un véritable hymne au courage des habitants face aux éléments. Sur scène comme sur disque, Christine Ott est accompagnée de Mathieu Gabry, son partenaire dans Snowdrops, pour tisser une partition à la croisée de l’impressionnisme, de la musique répétitive et du post-rock de chambre. Ce live, enregistré au Cheval Blanc de Schiltigheim, capte la toute dernière répétition avant la première représentation publique : une immersion rare, pure et vibrante.

Quatre années de création méticuleuse

Conçue sur quatre ans, la musique d’ARAN devait d’abord n’être qu’un piano solo. Mais Christine Ott a progressivement étendu son langage : harpe, thérémine – proche de ses ondes Martenot fétiches – et multiples textures instrumentales s’y mêlent. Elle a invité Mathieu Gabry à enrichir l’ensemble de ses claviers et de sa boîte à bourdons (BAB), pour sculpter un flot musical aussi physique qu’émotionnel.

Christine Ott & Mathieu Gabry

Les seize pièces du disque résonnent avec la puissance des images de Flaherty : de la délicatesse romantique d’Aran Theme à la tension organique de Stone Island ou Western Lights, jusqu’au final Land of Freedom, où le piano expressif d’Ott répond aux nappes graves de Gabry dans un élan mélancolique et lumineux.

Entre classicisme et modernité

La structure du disque, d’une heure et quart, évoque à la fois Chopin, Debussy et Rachel Grimes, tout en explorant les textures contemporaines.

The Fishing Line marie harpe et percussions analogiques dans un jeu d’équilibre et de répétition ; The Shark and the Rope glisse vers un minimalisme proche de Meredith Monk ; Beneath the Surface oppose orgue et thérémine dans une séquence hallucinée ; Le Départ fait résonner une mélodie de claviers rappelant The Cinematic Orchestra ; tandis que Shadows in the Waves fait le lien avec les travaux de Snowdrops (Inner Fires, 2021) et leur musique pour le film Manta Ray (Phuttiphong Aroonpheng, 2018).

Cette alternance de tension et de douceur crée une œuvre totale, à la fois sensorielle, introspective et universelle.

Une édition soignée et un coffret rare

L’édition CD d’ARAN (réf. GZH120) a été soigneusement sérigraphiée par Richard Knox chez Dark Peak Press, sur papier recyclé et en série limitée à 200 exemplaires. En parallèle paraît le coffret “Film Concert Trilogy” (GZH121) regroupant les trois ciné-concerts de Christine Ott : Nanook of the North, Tabu et Aran, disponibles ensemble pour la première fois.

Ces éditions incarnent l’esprit du label britannique Gizeh Records, fondé à Manchester en 2004 et reconnu pour son exigence graphique et sonore (A-Sun Amissa, Julia Kent, Astrid, Rachel Grimes…).

Portraits croisés de Christine Ott & Mathieu Gabry

Christine Ott, compositrice, pianiste et multi-instrumentiste française, a collaboré avec Yann Tiersen, Tindersticks et Oiseaux-Tempête. Figure rare de l’onde Martenot, elle a signé six albums solo entre musique classique contemporaine et ambient expérimental, souvent comparée à Brian Eno ou Michael Nyman. Son sens du visuel et de la narration l’a menée vers le cinéma, notamment pour La Fin du Silence de Roland Edzard (Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2011) ou encore des collaborations avec Martin Provost et Claire Denis.

Mathieu Gabry, compositeur et claviériste, s’intéresse à la symbiose entre son et image. Il a signé la bande originale du film Manta Ray (Lion d’or – Mostra de Venise 2018, catégorie Orizzonti) et fonde avec Ott le duo Snowdrops en 2015. Également membre des trios jazz The Cry et Theodore Wild Ride, il prépare son premier album solo sous le nom Sohlberg, prévu pour 2026.

Une œuvre manifeste

À travers ARAN, Christine Ott et Mathieu Gabry livrent bien plus qu’un ciné-concert : une œuvre manifeste sur la fragilité du monde et la résistance de l’humain. Entre lyrisme, expérimentation et contemplation, ce projet conjugue héritage et modernité, solitude et solidarité. Il clôt une trilogie exceptionnelle tout en ouvrant un horizon neuf pour le duo.

Line-up sur Aran

Christine Ott : Piano, harpe, thérémine
Mathieu Gabry : Claviers, BAB « Boîte à bourdons »

Discographie de Christine Ott

Solo
2009 – Solitude Nomade
2016 – Only Silence Remains
2016 – Tabu
2019 – Nanook of the North avec Torsten Böttcher
2020 – Chimères (pour Ondes Martenot)
2021 – Time to Die
2023 – Éclats (Piano Works)
2024 – The Lotus Path avec Manuel Hermia (EP)

Snowdrops
2020 – Volutes
2021 – Inner Fires
2022 – Missing Island
2024 – Singing Stones (Volume 1)

En tant qu’invitée ou musicienne de session
2004 – Tout sera comme avant, Dominique A
2004 – Contre le centre, Mobiil
2005 – Le point de coté, Dominique Petitgand
2005 – Plays the Residents, Narcophony
2005 – Fragile, Têtes Raides
2008 – Aux solitudes, Jean-Philippe Goude
2008 – Ghost Days, Syd Matters
2008 – À l’attaque, Loïc Lantoine
2008 – Ersatz, Julien Doré
2009 – The Dark Age of Love, This Immortal Coil
2011 – 613, Chapelier Fou
2011 – Tels Alain Bashung, Aucun express (Noir Désir)
2011 – Everything Was Story, Raphelson
2013 – Ghost Surfer, Cascadeur
2016 – Unworks & Rarities, Oiseaux-Tempête
2017 – Earth, Foudre! (side-project de Mondkopf, Saåad & Frédéric D. Oberland)

Avec Yann Tiersen
2001 – L’Absente
2001 – Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (BO, Jean-Pierre Jeunet)
2002 – C’était ici
2005 – Les retrouvailles
2006 – On Tour
2008 – Tabarly / Pierre Marcel

Bandes originales / œuvres personnelles
2011 – La fin du silence, Roland Edzard
2016 – Minute Bodies, Stuart Staples / Thomas Belhom / Christine Ott
2018 – Manta Ray, Phuttiphong Aroonpheng (avec Snowdrops)

Collaborations
2008 – 35 Rhums / Claire Denis, Tindersticks
2010 – Les Salauds, Tindersticks
2011 – Claire Denis Film Scores, Tindersticks
2011 – Swing / Tony Gatlif
2011 – Où va la nuit / Martin Provost, Hughes Tabar-Noval

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The Burning Fingers – La flamme du blues-rock français reprend avec Revenge

Un retour brûlant venu du Sud

Originaire de Vallon-Pont-d’Arc dans le Sud de la France, The Burning Fingers incarne depuis plus d’une décennie l’esprit incandescent du blues-rock dans ce qu’il a de plus authentique. Fondé en 2013 par le guitariste Sébastien Cauquil, le groupe a d’abord évolué en trio avant de s’épanouir en quatuor, trouvant ainsi l’équilibre parfait entre puissance rythmique et envolées électriques. Leur premier EP live, sorti en 2014, posait déjà les bases d’un style énergique et sans artifice, avant que l’album Ride (2018) ne vienne affirmer leur identité musicale sur la scène blues-rock hexagonale.

The Burning Fingers

Revenge, entre poussière et fureur

Avec leur troisième album studio, Revenge, nos ardéchois franchissent un nouveau cap. Sorti en octobre 2025 (version physique) puis en novembre en numérique, cet opus autoproduit témoigne d’une maturité artistique nourrie de centaines de concerts et d’un amour viscéral pour les grands du genre — Stevie Ray Vaughan, Hendrix, Led Zeppelin, Slash, ZZ Top, Joe Bonamassa, Rival Sons ou Robert Jon & The Wreck.

Entre blues fiévreux et riffs abrasifs, Revenge explore la dualité des émotions humaines : l’amour, la perte et la colère se mêlent dans un tourbillon sonore où la poussière du désert se confond avec la chaleur du groove. Porté par une voix éraillée et sincère, le disque dégage une intensité rare, tantôt sauvage, tantôt introspective.

L’authenticité d’un blues viscéral

Là où beaucoup s’égarent dans la surproduction, The Burning Fingers préfèrent la sincérité brute du jeu live. Chaque morceau respire la liberté et la cohésion d’un groupe qui vit sa musique sur scène avant tout. À l’image de Ride, salué à l’époque par Blues Magazine comme « un album digne des grands noms du blues-rock », Revenge confirme la constance et la passion d’une formation indépendante qui ne cède rien à la facilité.

The Burning Fingers

Une aventure à suivre

Porté par l’énergie de Sébastien Cauquil et ses complices, The Burning Fingers poursuit sa route entre tradition et modernité, gardant le feu sacré du blues tout en l’infusant d’un souffle rock contemporain. Revenge s’impose ainsi comme une étape charnière, une œuvre qui conjugue rage et élégance, sincérité et intensité.

Membres de The Burning Fingers

Sébastien Cauquil : guitare, compositions
Laurent Burcet : chanteur principal, guitare
Christophe Marc : batterie
Alain Tesconi : basse

Discographie de The Burning Fingers

2025 – Revenge
2018 – Ride
2014 – EP Live

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Sébastien, le guitariste de The Burning Fingers a bien voulu se prêter au petit jeu de l’Auto-Interview

Comment est né cet album Revenge  ?

Dans la douleur ! Je plaisante mais il y a eu des circonstances qui ont rendu sa naissance un peu difficile. Je précise que je suis le fondateur du groupe. Nous étions en trio depuis 2014 : après un EP (Live at Kazkabar), un premier album studio en 2018 (Ride), c’est en 2019 que Phil, notre batteur-chanteur a décidé de prendre sa retraite musicale. Par chance, dès 2020, nous sommes rapidement repartis avec un nouveau batteur, Christophe (qui était un ami) et un nouveau chanteur, Laurent (une « perle » découverte par pur hasard sur une page artiste d’un site d’annonces musicales).

Mais, à peine avais-je commencé en 2022 à envisager un nouvel album que mon bassiste « historique », Alain, me faisait part de sa décision d’arrêter le groupe après dix ans de bons et loyaux services afin de se consacrer à sa passion première : le jazz. Il y avait déjà des titres bien avancés (Wake up, Evil Woman, Locked up, Revenge, I go home) et ce fut un coup dur, même si Alain n’avait aucun doute sur le fait qu’on lui trouverait un remplaçant. Nous avons donc dû organiser des auditions pour enfin trouver notre nouveau bassiste qui, fait du hasard, s’appelle aussi Alain !

Vous l’aurez compris ces changements de line-up ont été un frein pour la composition mais aussi un nouveau souffle car plusieurs titres ont été composés avec la nouvelle équipe. Donc ces mésaventures se sont in fine métamorphosées en aubaines car le groupe a enfin retrouvé de la stabilité et a pu mener à bien ce projet d’album.

Qu’est-ce qui t’a inspiré l’univers de Revenge ?

J’écris en anglais et compose depuis le début de l’aventure mais la nouvelle équipe m’a prêté main forte pour ce nouvel opus.

Plusieurs choses m’inspirent : mes lectures, les films (je suis passionné de littérature et de cinéma), l’actualité, le quotidien et la musique bien sûr.

Pour donner quelques pistes, Evil woman est l’un des premiers titres à être né et il aborde avec modernité la rencontre du bluesman et du diable à un carrefour, une nuit de pleine lune. En effet, le diable ici est une femme et le musicien, en vendant son âme, va sombrer dans une folie sans nom, ce qui engendre un riff assez lourd et syncopé à la fin du titre. I go home est lié à un thème qui m’est cher car intrinsèquement lié au blues : le chant de lamentation de l’esclave. Ce n’est pas exactement le même univers mais le film O’Brother et ses scènes où les prisonniers chantent à l’unisson en brisant des roches en rythme (work songs) a sûrement été un déclencheur. L’histoire de l’esclave Fred Bailey a aussi participé de cette composition.

Pour rester dans la veine cinématographique, l’univers des westerns a fortement irrigué la composition du titre Revenge. Je suis un grand fan du style et notamment des films de Sergio Leone magnifiquement portés par le grand Clint Eastwood. Enfin, des thèmes plus quotidiens peuvent inspirer nos chansons : Laurent a écrit les paroles de Do it that way où un mari décide de reprendre en main son couple et il m’a prêté main forte sur Locked up qui évoque le confinement et la pandémie ! Il a écrit également les paroles de Wake up, un protest song, et moi j’ai composé la musique.

Comment définir le son du groupe sur cet album ?

Nous avons voulu une touche plus moderne que le précédent (Ride) avec une meilleure production, tout en préservant la dynamique, le grain analogique de notre son.

Nos influences sont autant vintages (Led Zeppelin, ZZ Top, Hendrix, Deep Purple, Johnny Winter, Stevie Ray Vaughan, Jeff Healey, etc.) que contemporaines (Joe Bonamassa, Rival Sons, Slash, Kenny Wayne Shepherd, Robert Jon and the Wreck…).

Pour ma part, j’ai enregistré à l’ancienne avec un micro devant mon ampli à lampes et des pédales analogiques entre celui-ci et ma guitare. Nous avons donc enregistré en Ardèche chez notre ami Jean-Yves, dans les Studios des Après Saint-Germain, puis les titres ont été mixés à Toulon par Olivier Cancellieri et enfin ils ont été masterisés par François de Sonics Mastering (Ibrahim Maalouf, Ben l’oncle Soul, Charlie Winston, Massilia…).

Que représente Revenge pour ton groupe indépendant ?

Bonne question ! En effet, nous sommes un groupe de passionnés qui naviguons en dehors des labels et des sociétés de production. Donc notre groupe est réellement compris dans ce concept de musique indépendante et ce n’est pas facile pour faire exister notre musique en dehors du live.

Je me suis donc personnellement impliqué dans la composition, l’enregistrement, le mixage, le mastering, l’artwork de la pochette et même actuellement la promo !

De fait, j’ai un peu l’impression d’être un artisan qui gère le processus de A à Z, depuis la matière brute jusqu’au résultat final afin de garder une direction artistique cohérente. Même si je suis bien accompagné par Laurent, Christophe et Alain, il faut toujours donner un cap pour éviter que cela parte dans tous les sens.

Cela dit, pour cet album nous avons décidé de nous entourer de professionnels pour mettre en valeur notre musique, c’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à Olivier pour le mix et François pour le mastering.

Ce fut très enrichissant de travailler avec eux car ils ont été à l’écoute et en même temps, ils ont su proposer certaines pistes intéressantes. Nous sommes autoproduits, donc c’est exigeant, chronophage mais c’est aussi une vraie liberté. Et nous espérons que cela plaira à nos auditeurs. En tout cas nous y avons mis de la sincérité et du cœur.

Quel morceau résume bien l’esprit de l’album ?

C’est une question difficile car, d’un auditeur à l’autre, cela peut dépendre et le public se fera son propre avis. Mais pour moi, le titre éponyme Revenge est le cœur battant de l’album, là où tout converge. C’est une histoire de perte, de vengeance mais aussi de survie. Derrière le riff de guitare et la tension du morceau, il y a ce besoin de se relever, de faire face à ce qui nous a détruit.

On pourrait presque voir dans cet album un concept-album qui résume l’histoire tourmentée du cowboy de Revenge : le réveil après l’outrage (Wake up), le triste chemin pour se remettre en état (Sad road), la soif de vengeance (Revenge), l’enfermement (Locked up), la poursuite et l’élimination des hors-la-loi qui ont tué sa femme (Let’s rock), la vaine rencontre d’autres femmes (I got a girl, Evil woman, Do it that way), car il ne pourra jamais n’en aimer qu’une seule (Day by day) et la rédemption (Jackhammer).

En tout cas, l’important c’est que ceux qui écoutent notre album y trouvent quelque chose qui leur parle : si c’est le cas, notre pari sera gagné…

Merci Sébastien et bonne continuation :)

Jean-Luc Admin Mazik novembre 2025©